Arrêtons de céder à l'idéologie dominante
Malgré un énième sommet européen, la situation de la Grèce ne va pas s'améliorer. On peut même parier qu'elle va empirer car le remède est pire que le mal. Derrière le
mot quelque peu déshumanisé d'austérité se cache une vraie et réelle régression sociale. Non seulement, la Grèce va privatiser une partie importante de son patrimoine mais cela va aussi
s'accompagner de coupes sombres dans le budget de l'Etat, de réduction de salaires, des fonctionnaires, de recul de l'âge de départ en retraite, de hausse de TVA, des prix etc… Grosso modo, les
recettes qui ont conduit à la crise sont de nouveau appliquées avec une brutalité inouïe malgré un refus et une opposition majoritaire dans le pays. Ces mesures n'ont qu'un but : "rassurer
les marchés financiers" et notamment ceux qui spéculent le plus, ceux qui ont contribué à la situation de la Grèce en spéculant sur sa dette publique : les hedges funds.
Les décisions politiques prises à ce sommet ne sont pas dictées par la volonté de répondre aux aspirations des peuples européens mais pour plaire aux agences de notation. Ces agences qui notent la solvabilité des Etats et qui font plonger des pays tout entier dans l'austérité et la crise en "dégradant une note".
Face à l'agression des spéculateurs de tous poils, les Etats n'ont que le droit de subir, ils ne peuvent riposter, cela
paniquerait "lémarchés". Cette situation nous ramène en 1992 au moment de l'adoption du traité de Mastricht et de son sacrosaint 3% de déficit et plus près de nous en 2005 avec le TCE qui visait à fixer dans le marbre constitutionnel ces politiques libérales qui
conduisent l'Europe dans le mur. Ces 2 traités (celui de Maastricht et celui de Lisbonne qui a remplacé le TCE) sont la pierre angulaire de ces politiques toutes entières au service de la
finance.
C'est d'une toute autre politique dont nous avons besoin en Europe. Une politique qui s'attaque aux marchés financiers, qui taxe la spéculation, qui investit dans l'économie réelle au service des populations, qui développe l'emploi, la formation, qui promeut des services publics européens, qui reprenne le pouvoir sur l'argent avec un pôle public financier etc….
Mais pour cela, il faut une autre volonté politique en Europe. Il faut rompre avec le traité de Maastricht et celui de Lisbonne, il faut mettre la BCE sous le contrôle des Etats donc
des peuples. Il faut une réorientation des politiques européennes qui acceptent d'affronter les marchés financiers.
Elections présidentielle et législatives
Les campagnes des élections présidentielle et législatives vont être l'occasion de tester les réelles volontés de changement à gauche. Car, sans remettre en cause les dogmes libéraux européens, les changements ne seront que cosmétiques.
Et l'on ne peut être qu'inquiet quand on voit la pauvreté du projet socialiste sur le besoin de réorientation de la construction européenne. Le projet du PS s'inscrit complètement dans cette soumission aux règles libérales des marchés financiers. Il reprend à son compte le discours ambiant sur la dette qui consiste à dire "que notre pays s'endetterait (sous-entendu parce que nous dépenserions trop) que nous vivrions au-dessus de nos moyens, qu'il serait irresponsable de laisser le poids de la dette à nos enfants et que celle-ci serait handicapante pour l'indépendance de la France".
Ce discours, soi-disant accepté par tous, est répété en boucle à droite comme à gauche.
François Hollande veut d'ailleurs, dans le débat des primaires, se montrer sous le jour du candidat socialiste le plus "responsable", le plus "raisonnable", celui qui n'effrayera pas
"lémarchés" en déclarant qu'il ne faut pas "promettre tant et plus" et "qu'il faudra rééquilibrer nos comptes publics dès 2013". L'ex premier secrétaire du PS tente de se
distinguer pour incarner un socialisme complètement compatible avec le libéralisme européen. Il précise donc le projet socialiste mais sans en trahir le sens, bien au
contraire.
Le projet du PS indique que la réduction de la dette est une priorité et que "la moitié des recettes supplémentaires sera affectée au désendettement" alors qu'elles pourraient être destinées à des dépenses sociales, en direction des classes populaires ou pour développer les services publics mis à mal par 5 ans de sarkozysme et 10 ans de droite.
Cette priorité du désendettement va nécessiter que les Français fassent des efforts ! Je cite : " Les Français le savent, des efforts seront demandés pour rétablir la situation… Notre conviction est que les efforts ne seront acceptés et ne porteront leurs fruits que s’ils sont équitablement répartis et qu’ils préparent vraiment l’avenir."
On sait ce que veut dire la formule des "efforts demandés aux Français". Cela se traduit immanquablement par des reculs sociaux comme par exemple sur les retraites.
La pensée dominante est là dans toute son horreur avec un consensus UMP/PS à faire frémir car il annihile tout débat, tout questionnement. Les
2 grands partis s'accordent pour expliquer que la dette est due au fait que la France vit au dessus de ces moyens. Par conséquent, il faudrait impérativement réduire les dépenses de l'Etat.
Cette simplification fait l'impasse sur les recettes de l'Etat qui sont en baisse constante depuis 10 ans. Pour une explication limpide, cliquez ici.
Il ne faut pas céder à l'idéologie dominante sur cette question de la dette, ni sur une autre d'ailleurs. Dans le manifeste du Parti Communiste, Karl Marx affirme que "les idées
dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante". Martine Aubry propose de conduire une "offensive de civilisation". Mais pour cela, il faudrait d'abord être
capable de se libérer d'une pensée sous contrôle des agences de notation, des hedges funds et du consensus libéral européen.