Gilets jaunes

Publié le par cyril

Quelques réflexions concernant ce mouvement des gilets jaunes.

Incontestablement, ce mouvement n'est pas uniforme. Il agrège différentes colères et présente différentes motivations. Il n'est pas exempt de contradictions. Il y a de tout dans ce mouvement. Il est multiforme. C'est ce qui fait sa force d'aujourd'hui et évidemment sa faiblesse de demain.

Et donc il doit être vu et analysé au vu de cette multiformité.

D'abord, c'est un mouvement de colère, de ras le bol. De ce fait, il est peu organisé, sans chefs ou porte-paroles clairement identifiés. De la même façon, les mots d'ordre, les revendications varient d'un endroit à l'autre, d'un « gilet jaune » à l'autre. Mais ce que l'on peut cerner de toutes ces revendications, c'est la question du pouvoir d'achat, question qui se cristallise dans la hausse du carburant et dans le refus des « taxes ». Avec des choses aussi contradictoire que de demander moins de taxes et d'impôts et en même temps plus de services publics.

J'entends et je lis nombre de camarades, de syndicalistes, de gens engagés à gauche, tenter de classer ce mouvement dans une case avec des accusations qui dépeignent tous les « gilets jaunes » en populistes, réac ou fachos. Qu'il y en ait est incontestable. Qu'ils soient à la tête du mouvement est tout aussi incontestablement faux. Qu'il y ait manipulation, c'est là aussi évident. Mais qu'il y ait de la sincérité, c'est aussi une évidence. 

Les camarades qui expliquent que cette colère n'est pas dirigée contre les vrais responsables, qu'elle feraient mieux de cibler ceux qui détiennent le capital, qu'il faut être cohérent et défendre aussi les services publics, que c'est l'inégale répartition des richesses qui est en cause, ces camarades ont raison.

Cependant je crois très peu au « spontanéisme » Je crois très peu à la capacité innée de produire une analyse de classe de but en blanc, au détour d'un blocage de carrefour. C'est, au contraire, les explications, les démonstrations, les lectures qui permettent de comprendre les tenants et aboutissants d'une situation.

Mais si la gauche n'est pas au coeur de ce mouvement, non pas pour le contrôler, mais pour lui apporter des analyses et des réflexions, qui le fera ? Qui pourra expliquer que le pouvoir d'achat, c'est d'abord d'augmenter les salaires, que les pensions de retraite qui baissent, la CSG qui augmente c'est la contrepartie des cadeaux aux plus riches, qui pour expliquer l'enfumage sur le salaire brut pour la vie, le salaire net pour le mois ? qui pour expliquer que c'est au capital, aux actionnaires, aux multinationales, aux évadés fiscaux, à ceux qui ont ce putain de pognon de dingue qu'il faut s'attaquer ? qui, si ce n'est la gauche de transformation sociale et écologique ? Qui ?

Doit-on rejoindre un mouvement seulement quand toutes les revendications sont connues et partagées ? J'ai l'impression que certains expliquent qu'il ne faudrait s'y joindre qu'à partir du moment où celui-ci adopteraient la totalité de nos propositions. C'est peut-être beaucoup lui demander, non ?

N'y a-t-il pas dans ce mouvement matière à discussion, à débattre de manière fructueuse pour la gauche sociale et politique ? Ne peut-on le nourrir de nos réflexions, de nos propositions, de nos expériences ?

Alors, certes, les syndicats et les partis politiques ne sont pas, à priori, les bienvenus. Et c'est une erreur. D'ailleurs, on a vu que l'inorganisation, l’inexpérience se payaient cash.

Mais cela ne doit-il pas nous conduire à nous interroger sur nous-mêmes ? Il est facile de rejeter la responsabilité sur les autres. Il est moins facile de se regarder soi-même pour essayer de comprendre pourquoi nous ne sommes pas les bienvenus même si évidemment tout ne tient pas qu'à nous.

Nous qui parlons de la colère des gens régulièrement, de la nécessité d'écouter le peuple. Quand celui s'exprime, on devrait regarder ailleurs ? Ou bien confronter les idées, argumenter, débattre ? Évidemment, ce n'est pas tout le peuple. Il n'a été que rarement rassemblé de façon quasi unanime dans l'histoire de notre pays. Mais ce mouvement, ceux qui y participent et ceux qui le soutiennent, en représente une part.

Enfin, n'y a-t-il pas là matière à discussion lundi sur les lieux de travail ? N'est-ce pas le bon moment pour parler augmentation de salaires, luttes, engagement ? Si nous laissons l'extrême-droite ou la droite-extrême travailler ce mouvement, il est certain qu'il s’éloignera de plus en plus de positions progressistes

Pour finir, le mouvement des gilets jaunes peut s’effondrer et disparaître. La colère ne disparaîtra pas pour autant.

Publié dans Actu

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